Entretien avec Maria Gabriela Blanco
Le Réseau de Solidarité avec la Révolution Bolivarienne (@redeuropave) rencontre María Gabriela Blanco, membre de l’Alianza Sexo Género Diversa Revolucionaria (ASGDRe) et militante active en Belgique au sein de Venesol et INTAL Amérique latine, membres du réseau.
Née à Higuerote, dans l’État de Miranda, Gaby Blanco (photo) a étudié l’Économie sociale à l’Université Nationale Polytechnique Expérimentale des Forces Armées et a été chroniqueuse pour l’hebdomadaire culturel Todos Adentro dans la rubrique Diversité populaire. Elle collabore depuis 2012 au magazine Épale CCS dans la rubrique Soberanía Sexuales et vit actuellement à Bruxelles. Elle nous explique comment ce collectif comprend le processus bolivarien au Venezuela et pourquoi il convient de le défendre.
Différents collectifs, mouvements, organisations sociales, partis politiques et vous, Alianza Sexo Género Diversa Revolucionaria (ASGDRe) font partie du Réseau Européen de Solidarité avec la Révolution Bolivarienne. Qu’est-ce qui vous a unis pour faire partie de ce projet pour la défense de la souveraineté et de l’autodétermination du peuple Vénézuelien ?
Je dois d’abord décrire l’organisation qui m’a appris ce que signifie être chaviste, surtout à une époque où le fait de prendre des positions qui dérangent en haut lieu entraîne régulièrement des attaques discriminatoires. L’Alliance Sexo Género Diversa Revolucionaria, ASGDRe, créée en 2009, est un collectif composé de personnes de sexualités et d’expressions de genre diverses, dissidentes de l’hétéronorme (femmes et hommes lesbiennes, trans, homosexuelles, hétérosexuelles et fluides), que nous organisons pour créer, renforcer et consolider la lutte pour nos droits en tant que population discriminée et exclue.
À partir de là, nous nous proposons d’assumer un rôle historique, participatif et moteur dans les luttes des peuples opprimés, c’est pourquoi nous rappelons toujours que nous sommes le fruit de la Révolution bolivarienne. Le travail que nous réalisons nous le faisons à partir de nos relations quotidiennes intimes et sociales, à partir de nos communautés, de notre condition de classe, de nos moyens alternatifs d’éducation et de formation et des espaces d’organisation populaire. En tant qu’Alliance, nous affirmons le besoin fondamental de formation interne ainsi qu’avec les autres communautés afin de mettre en commun et d’approfondir nos connaissances, ainsi que pour nous reconnaître mutuellement comme sujets et sujets politiques de transformation et d’émancipation dans les processus de changement social.
Il ne faut cependant pas tout mélanger, notre lutte et nos réflexions n’exigent pas le respect ‘diplomatique’ de notre existence, encore moins d’être inclu.e.s dans les logiques de consommation du système capitaliste et patriarcal, nous voulons changer ce système. Nous défendons le fait que le sexe et la diversité des genres font partie d’une lutte de classe et c’est précisément pour cette raison que nous ne sommes pas d’accord avec des objectifs qui sont clairement vindicatifs et fragmentés, mais que nous reconnaissons et nous nous articulons avec de multiples luttes, parmi lesquelles celles des afrodescendants, travailleurs, féministes, paysans, écologistes, indigènes, travailleurs culturels et tous ceux qui sont convaincus de construire un système plus fraternel et humaniste dans la perspective de Notre Amérique. Cela nous amène à faire partie du RÉSEAU EUROPÉEN de Solidarité avec la Révolution bolivarienne qui s’est fondé avec des objectifs très divers, mais communs, ce qui me rappelle beaucoup les débuts de l’ALBA des Mouvements sociaux en 2009.
En Europe, des personnes venues du Venezuela ont demandé le statut de réfugié ou le statut de demandeur d’asile en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ; au Venezuela, des personnes sont-elles persécutées à cause de cette situation ?
Dans les articles 19, 20, 21, 22 et 23, relatifs aux Devoirs, Droits Humains et Garanties, la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela oblige l’État à garantir, « sans aucune discrimination, la jouissance et l’exercice inaliénables, indivisibles et interdépendants des droits humains » ; stipule également que « toute personne a droit au libre développement de sa personnalité » et donc que « tous sont égaux devant la loi », interdisant la discrimination fondée sur la race, le sexe, la croyance, la condition sociale ou celles qui, en général, ont pour but ou pour résultat de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits et libertés individuels.
Ainsi, tout un appareil législatif découle de la Constitution pour protéger en la dotant de droits fondamentaux notre communauté de genre dissident. C’est pourquoi, en l’honneur de la vérité et contre la malhonnêteté, aucun(e) compatriote qui aurait le plein usage de ses facultés ne peut affirmer et demander l’asile au prétexte d’une persécution puisque dans notre pays la diversité sexuelle et de genres n’est pas criminalisée, au contraire, elle est légalement garantie. Aucun fonctionnaire de la Puissance publique nationale n’a le pouvoir de soumettre ou de réprimer une personne trans, lesbienne, homosexuelle, bisexuelle, queer, pansexuelle ou tout autre forme existante en dehors de l’hétéronormatif (Loi du Statut de la fonction de police en matière d’administration du personnel et développement de la carrière dans la police, articles 70 et 143).
De plus, par respect pour les sœurs LGBTQIA qui viennent en Europe en provenance de pays comme le Soudan, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Mauritanie ou le Yémen où l’homosexualité est punie de la peine de mort, il est honteux pour moi de savoir que certains Vénézuéliens ont fait cette requête. Au Venezuela, nous avons également des représentants politiques, qu’il s’agisse de chavistes ou d’opposants qui ont gagné les élections et qui exercent actuellement leur mandat, qui assument ouvertement leur différence de sexe ou de genre.
Il est regrettable que les collègues de l’Association Civile Vénézuélienne Igualitaria, créée en 2012 dans le but d’unir leurs forces avec d’autres collectifs et mouvements sociaux pour développer des stratégies d’information, de formation et de sensibilisation des citoyens en matière de droit à la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression du genre, qui soutiennent le Mariage civil égalitaire comme un de leurs drapeaux de lutte, aient reçu des demandes de Vénézuéliens à l’étranger, pas seulement en Europe, pour obtenir un document, presque comme une faveur personnelle, pour soutenir la thèse de personnes qui disent être persécutées du fait de leur orientation ou identité sexuelle et veulent ainsi obtenir le statut de réfugié. Ces demandes ont été rejetées catégoriquement par cet organisme.
Il faut dénoncer le fait que les pays qui se prêtent à la désinformation et à l’isolement du Venezuela dans le concert international, jouent au jeu statistique de ceux qui fabriquent les « crises humanitaires et migratoires » dans le monde, telles que l’USAID, NED, Open Society Foundation, parmi d’autres opérateurs politiques qui attaquent le Venezuela, en augmentant le nombre de personnes déclarées en asile politique pour renforcer le scénario de la ¨dictature¨. Mais il faut dire aussi que le Venezuela, comme le reste de notre Amérique et les pays d’Europe plus ou moins égaux en droits, souffre de la maladie du machisme, héritage de l’ « ancien » monde colonisateur. C’est une dette historique due à notre communauté, victime de l’hétéropatriarcat. C’est là que l’héritage du commandant Chávez reste pertinent, puisque c’est lui qui a lancé l’appel féministe pour faire tomber les barrières de la discrimination et nous intégrer dans les politiques de l’État.
Comment s’y prendre à partir du Réseau européen ou de collectifs comme ASGDRe pour contrer la manipulation des médias et la désinformation sur ce qui se passe au Venezuela ? Comment briser ce siège médiatique, quelles alternatives avons-nous ?
Il faut raviver la rébellion et la créativité des médias populaires et alternatifs qui ont tant contribué à la prise de conscience, à l’organisation et à la mobilisation du pouvoir populaire au Venezuela. La résistance, la guérilla et la contre-offensive communicationnelle ont caractérisé les mouvements sociaux et les conseils communaux à une époque où, au Venezuela, nous ne pouvions même pas imaginer être inclus dans les grilles de programmes de la télévision traditionnelle, en raison du caractère hégémonique de ses contenus. Reprendre les stratégies de base de la communication (pochoir, peinture murale, sérigraphie, formation, construction de contenu, agitation), les relier aux outils sociaux actuels et surtout comprendre le territoire et ses habitants comme l’espace symbolique où va s’établir l’artillerie de la pensée. Que faire avec tout cela ? Au Venezuela, même si le courant dominant l’invisibilise, des changements profonds se produisent, les gens se regroupent, réfléchissent, conçoivent leur avenir avec ou sans le blocus.
Nous devons enregistrer et diffuser ce réel pour qu’il devienne viral, tant sur le territoire communal où le processus révolutionnaire se déroule que dans les territoires adjacents (pour les motiver) et ceux qui vivent des expériences similaires (pour les inciter). Pour donner un exemple concret, La Minka, une entreprise de propriété sociale, réalise un travail collectif en faveur de la communauté d’Altagracia et de La Pastora à Caracas. En ce moment le thème de leurs luttes se résume dans le slogan : « Espace vide, espace récupéré », qui leur permet de développer une stratégie pour promouvoir l’agriculture urbaine. En plus de fonctionner en tant que Maison Culturelle, La Minka est aussi une boulangerie, une production de textiles, organise des ateliers de danse, de poésie, de théâtre, de graffitis, et participe aux débats dans les Assemblées Populaires. Elle réalise aussi un travail de guérilla de communication en enregistrant l’événement politique depuis la base, en direct avec ceux qui le vivent. Cette expression d’autogestion communale est certainement une de celles que le Réseau peut promouvoir et accompagner pour équiper notre artillerie de défense de la Révolution Bolivarienne…
Comment renforcer la solidarité internationale avec le Venezuela et défendre le processus révolutionnaire depuis l’Europe ou la Belgique ?
En termes vénézuéliens, le Réseau doit serrer les coudes avec notre peuple qui fait l’impossible pour résister aux agressions de cette guerre non conventionnelle. La communication, comme je l’ai expliqué précédemment, est stratégique, elle doit être une priorité, puisque l’ennemi parie sur l’occultation et la désinformation par rapport aux transformations politiques qui se mettent en place.
C’est pour cela que le flux d’information doit être constant, véridique et immédiat, afin de ne pas donner au lobbying des médias qui désinforment une chance de se positionner aussi facilement. Ce type de diffusion, je l’imagine à partir de l’essence même de la guérilla communicationnelle, avec une utilisation maîtrisée des ressources, un message clair et une compréhension de ce que nous voulons transmettre. Et ce que nous voulons transmettre sera en accord avec les camarades qui sont sur le territoire. Rien ne peut se faire sans l’avis du peuple vénézuélien. Je crois que le RÉSEAU devrait avoir un bureau au Venezuela chargé de s’articuler avec les mouvements sociaux, les communes et les plates-formes citoyennes pour planifier des campagnes et des stratégies de solidarité. En 2019, par exemple, en Amérique latine, l’Assemblée internationale des peuples aura lieu au Venezuela et les réunions préparatoires ont déjà commencé et je crois que le Réseau doit exprimer son soutien et son intérêt à participer à cet espace… Nous devons également faire un travail de persuasion avec les camarades des différentes gauches européennes pour accompagner cette construction sans précédent que nous appelons le Socialisme du 21e siècle, qui n’a pas de modèle, qui s’appuie sur l’approfondissement des communes, sur l’articulation constante avec les mouvements nationaux, citoyens et les plates-formes continentales d’intégration comme l’ALBA, la CELAC, Unasur, ASA, au lieu de jouer le jeu d’une droite internationale qui table sur l’isolement d’un pays qui, comme Cuba, a été pour beaucoup de frères l’espoir d’un autre monde possible.
Traduction: VeneSol, https://venesol.org/2018/12/27/asgdre/#more-3077