Marco Teruggi

Nous vivons un calme tendu au Venezuela. Les rues de Caracas sont d’une normalité qui ne correspond pas à l’image construite à l’étranger ni à la radicalité des annonces faites ces derniers jours.  Les quartiers ne sont pas en feu, et il n’y a pas deux gouvernements : un président autoproclamé sans territoire ni capacité à exercer le pouvoir ne peut avoir d’incidence que sur les réseaux sociaux, les salons diplomatiques et les notes d’opinion de ceux qui soutiennent Juan Guaidó.

Le week-end a  ressemblé à un réaménagement des positions, à une maturation de variables internationales, à un gain de temps dans le cadre national. La droite a organisé des assemblées samedi et a lancé dimanche son appel aux Forces armées nationales bolivariennes (FANB) – l’opposition a enlevé le mot Bolivariennes – pour promulguer la soi-disant  Loi d’Amnistie et Garanties Constitutionnelles pour Militaires et Civils.  La loi a été approuvée par l’Assemblée nationale déclarée illégale par la Cour suprême de justice, mais la légalité n’est pas le problème, aujourd’hui, lorsqu’il s’agit d’une tentative de coup d’État.

Cette loi se compose de deux volets: pardonner à ceux qui ont commis les actes de violence de 1999 à ce jour,  et donner le feu vert à ceux qui les commettraient désormais. La droite se proclame présidente et s’accorde de futurs auto-pardons.

L’objectif central est les FANB, axe autour duquel s’articulent les principales spéculations. Comment l’inclure dans le plan en cours, c’est-à-dire comment faire en sorte qu’un secteur dirige l’action par  la force. Les relations de la droite avec les FANB ont été  contradictoires: d’un côté, elle l’a dénigrée publiquement, attaquée  avec des flacons d’excréments dans la rue et des armes de guerre dans les casernes – en 2017 – mais, en même temps , elle a été appelée  à suivre les différents plans de non-reconnaissance de Nicolás Maduro. La droite sait qu’elle a  besoin de la Fanb d’abord pour gagner l’épreuve de force et ensuite  pour maintenir l’ordre futur qu’elle  essaierait d’imposer.

Pendant que la droite gagnait du temps, l’affaire continuait son développement au niveau international. Les menaces ont continué à se multiplier, comme l’a suggéré John Bolton, conseiller américain à la sécurité nationale, qui a déclaré: “Toute violence et toute intimidation dirigées contre le personnel diplomatique américain, le dirigeant démocratique du Venezuela ou l’Assemblée nationale constitueraient une agression grave contre la légalité et seraient  suivie d’une réponse significative “.

Les États-Unis ont également reconnu un représentant diplomatique du gouvernement virtuel parallèle, Carlos Vecchio, en fuite et recherché par la justice vénézuélienne, dirigeant de Voluntad Popular, le parti auquel appartient Guaidó. Voluntad Popular est la force la plus liée aux groupes armés / paramilitaires du pays, et Vecchio est proche d’un membre de son parti  impliqué dans le démembrement d’une femme en 2015.

Parallèlement, Benjamin Netanyahu a annoncé que le gouvernement israélien reconnaîtra  Guaidó. Le bloc dirigé par les États-Unis a fini par réunir toutes ses composantes: France, Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Israël, Canada, Groupe de Lima sauf le Mexique. Pour ce qui est des pays de l’Union européenne, ils ont affirmé que s’il n’y avait pas d’élections dans huit jours – qui sont maintenant sept – ils reconnaîtront Guaidó.

“Personne ne peut nous donner un ultimatum. Si quelqu’un veut quitter le Venezuela, laissez-le partir “, a déclaré Maduro au cours d’une journée marquée par les exercices militaires de la  Fanb dans différentes régions du pays (voir annexe). Il n’y aura pas d’élections.

Les différentes pièces semblent positionnées sur l’échiquier. On attend les prochaines étapes qui seront franchies  en fonction d’un plan qui ne précise pas comment il fera ce qu’il annonce. Ce que Guaidó résume en trois phases: “cessation de l’usurpation, gouvernement de transition, élections libres”, et refuse  tout dialogue – bien qu’il ait existé et a été même reconnu à force de preuves présentées par le gouvernement. Comment se matérialise la cessation de l’usurpation? Sans cela, il est difficile d’imaginer un véritable gouvernement de transition et un appel à des élections. Tout est 2.0 jusqu’à présent.

Par ailleurs, il est nécessaire d’attendre les bilans établis par les États-Unis après l’assemblée de l’Organisation des États américains et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Savaient-ils qu’ils n’obtiendraient  pas la majorité nécessaire? Sont-ils prêts à franchir les prochaines étapes sans avoir cet accord? On le verra dans les faits.

La stratégie vis-à-vis du Venezuela ne semble pas faire l’unanimité au sein des forces démocratiques et républicaines. Guaidó est présenté dans plusieurs médias comme “chef de l’opposition” et non pas comme on le  lui avait dit : “président par intérim”. En plus, ce président  virtuel est également  tourné en ridicule dans les réseaux sociaux comme #GuaidoChalenge. Guaidó, cadre secondaire de la droite, aurait été mis dans ce rôle car il peut être sacrifié stratégiquement? On le verra également dans l’évolution des événements.

La fin de semaine s’est terminée avec plus de questions que de certitudes. Pendant ce temps, le Venezuela a continué avec une normalité ébranlée en profondeur, des prises de parole du président Maduro devant les jeunes et devant la Fanb, des mobilisations du Chavismo dans diverses régions du pays. Qu’est-ce qui se cache derrière ce calme tendu?

Publié par : https://hastaelnocau.wordpress.com/

Traduction : FAL 33

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