Le fascisme menace le Brésil

Juan Manuel Karg

29/03/2018

Il ne s’agit pas un titre risqué et hâtif. La double attaque contre le convoi de l’ancien président Lula da Silva à Parana –dans un premier temps avec des œufs et ensuite avec des tirs- dessine le moment dramatique que la démocratie vit au Brésil, quelques semaines après l’assassiner de la militante des droits de l’homme et féministe Franco Marielle à Rio de Janeiro. De quelle autre façon, si ce n’est par le terme fascisme, peut-on cataloguer l’extrême droite brésilienne qui prétend à prendre le pouvoir d’assaut avec la candidature du militaire à la retraite Jair Bolsonaro, qui arrive en deuxième place dans les sondages et qui continue de progresser face à l’effondrement de la « droite classique brésilienne»? Quel qualificatif, si ce n’est fascisme, pour caractériser le groupe de hors-la-loi qui a tiré sur la caravane de l’homme le plus important de l’histoire contemporaine du Brésil?

Le problème n’est pas les ” électrons libres”, si tenté qu’il y en ait, hypothèse difficile à croire étant donné l’organisation et la planification des faits, mais le message qu’envoient les institutions : Bolsonaro lui-même, lorsqu’il a appris les attaques, les a relativisés dans les réseaux sociaux avec l’expression “ils se victimisent”. Celui qui parle est celui qui a voté la destitution de Rousseff en rendant hommage au tortionnaire de l’ex présidente, dans un grave mépris pour la démocratie dans son pays. Plus grave encore est la phrase de celui qui a été battu par Lula lors d’élections transparentes et démocratiques, Gerardo Alckmin (PSDB), qui a condamné “le PT récolte ce qu’il a semé”. Pour ceux qui n’en croient pas leurs oreilles : Alckmin n’est pas un homme retiré de la politique; il n’est rien moins que le gouverneur de l’état de San Pablo. Ses mots sont un poignard pour une démocratie sérieusement endommagée par le PSDB lui-même, qui, en pariant sur le coup d’Etat parlementaire de Temer, continue à s’effondrer dans les sondages.

Que cherche l’extrême droite brésilienne avec les tirs sur la caravane de l’ex-président? Intimider les organisations et les mouvements sociaux face à l’arrestation probable de l’ancien dirigeant métallurgique. L’objectif fondamental est de faire peur face à une condamnation manifestement injuste, dans un processus aussi vicié que celui qui a conduit au départ de Rousseff de Planalto. Que recherchent Alckmin et la PSDB avec leurs déclarations malheureuses? Naturaliser la violence politique contre les dirigeants populaires, après que les médias brésiliens – principalement Globo, Folha et Estado de Sao Paulo- ont inoculé depuis des années la haine contre Lula, Dilma et tout ce qui est une alternative au statu quo, qui pendant siècles, a gouverné ce pays.

Le Brésil court le risque sérieux d’entrer dans une phase de mexicanisation de sa politique, avec des assassinats de dirigeants politiques, des attaques contre des dirigeants populaires et des tentatives de légitimer cette violence, grâce à la complicité de divers secteurs du pouvoir. C’est la triste évolution d’un coup d’État parlementaire qui, depuis 2016, maintient le pays dans un véritable état d’urgence, dont la condamnation et la disqualification de Lula constituent la deuxième phase. Pendant ce temps, l’UNASUR et la CELAC – freinés par le passage à droite de plusieurs pays du cône Sud, n’agissent pas et l’OEA -toujours inféodée aux intérêts extérieurs à notre région- continue de ne parler que du Venezuela. L’Amérique latine ne peut pas détourner le regard : il s’agit de défendre ce qu’il reste de démocratie dans ce pays, le plus grand et le plus influent dans la région en termes politiques et économiques, avant qu’il ne soit trop tard pour eux et nous tous.

Juan Manuel Karg   Politologue de l’UBA (Université de Buenos Aires). Analyste International.

https://www.pagina12.com.ar/104547-el-fascismo-amenaza-a-brasil

Traduction FAL33

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