Marco Teruggi,  3 février 2019

Deux conclusions apparaissent dans le conflit vénézuélien presque deux semaines après l’auto-proclamation de Juan Guaido. La première est que la direction de la tentative de gouvernement  parallèle se trouve aux E.U., la seconde est que, pour l’instant, la force principale s’y trouve aussi. Ceux qui sont venus au Venezuela dans l’espoir de trouver les images d’un pays transformé en champ de bataille devront attendre. Ce samedi en a été une nouvelle confirmation. C’est la conclusion qui parait s’imposer à cette phase de l’attaque.

La direction : Pour savoir  ce qui se passe et  ce qui peut se passer au Venezuela, il faut regarder ceux qui prennent les décisions aux E.U. : John Bolton conseiller  en sécurité, Mike Pence vice-président, Mike Pompeo, secrétariat d’état, Elliot Abrams, envoyé spécial pour manœuvrer l’affaire du Venezuela, Steven Mnuchin, secrétariat au trésor, Marco Rubio, sénateur républicain, et Donald Trump lui-même.  S’intéresser à Juan Guaido ou à un autre dirigeant de la droite pour savoir ce qui peut arriver,  est une perte de temps.

Pence, par exemple, a prononcé un discours dans une église de Miami, vendredi dernier. Il y a affirmé qu’il est nécessaire d’éliminer les gouvernements du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua, qu’il  s’agit d’une affaire « régionale » et que « le temps de la négociation est terminé ».

Bolton, pour sa part, s’est positionné comme chef : « Les E.U. demandent instamment à tous les militaires vénézuéliens de suivre le leadership du général Yanes et de protéger les manifestants pacifiques qui soutiennent la démocratie ». Bolton faisait référence à Francisco Yanes, général de l’aviation de la Force Armée Nationale Bolivarienne (FANB) qui a diffusé une vidéo, samedi matin, où il a annoncé son appui à Guaido.

Le conseiller en sécurité a, lui aussi, affirmé qu’ils enverraient la dite aide humanitaire : « A la demande du président par intérim Juan Guaido et, en accord avec ses fonctionnaires, les E.U. réuniront et transporteront les médicaments de l’aide humanitaire, les accessoires chirurgicaux et les suppléments alimentaires pour le peuple vénézuélien. Il est temps que Maduro cesse de faire obstruction. Guaido, lors de la manifestation de la droite, samedi à Caracas, a déclaré : « Nous annonçons une coalition mondiale  pour l’aide humanitaire et la liberté au Venezuela. Nous avons trois points de collecte pour cette aide : le premier, c’est Cúcuta. L’autre sera au Brésil. Et le troisième sur une ile des Caraïbes. Son unique annonce a été ce que Bolton avait déjà dit. La chaine de commandements est d’une évidence qu’ils cherchent à peine à dissimuler, bien que parfois, ils soient obligés de spécifier, comme Rubio, «  que ce ne sont pas  les E.U. qui ont organisé le mouvement , mais bien le peuple vénézuélien. »

Guaido a seulement précisé un lieu concret pour l’entrée de l’aide : Cúcuta. C’est une zone frontalière caractérisée  par une forte présence du para militarisme  colombien, des mafias de contrebande –liées au para militarisme ou synonymes- où furent entraînés ceux qui ont tenté d’assassiner Nicolas Maduro en août dernier. C’est un des principaux lieux qui pourrait être activé comme foyer critique, où on pourrait provoquer des incendies, avec comme particularité, une large exposition médiatique. Ce fut de cet endroit, par exemple que Luis Almagro, secrétaire de l’Organisation des Etats Américains, a affirmé que l’option militaire contre le gouvernement de Maduro n’était pas écartée.

Il est probable que tel qu’est prévu le scénario, le centre du conflit alterne entre Caracas et ces lieux critiques. Comment pensent-ils faire rentrer l’aide ? Avec quelle logistique, force, autorisation, acteurs ? Quel type d’action accompagnerait l’entrée ? Le «  gouvernement parallèle » a besoin d’un territoire, d’une capacité à exercer le pouvoir, deux dimensions qu’il ne possède pas. La seule chose qui fait que Guaido est « président » à l’intérieur de la nation, c’est que la base sociale de la droite le nomme ainsi. Il est évident qu’il n’a pas, ni lui ni toute la droite réunie, la force pour porter plus avant une stratégie ayant ces caractéristiques.

Le gouvernement ne permettra pas que pénètrent des forces nord-américaines ou des acteurs à gages qui ouvriraient une brèche dans le territoire national .Aucun gouvernement ne permettrait qu’une force étrangère -ou ses agents- pénètre sans son autorisation.

Le jeu est fait. Les E.U. affirment qu’il n’y aura pas de dialogue, écartent des tentatives comme celle du gouvernement du Mexique et de l’Uruguay, des positions, comme celle du secrétaire général des Nations Unies, qui affirment la nécessité d’un dialogue. Quelques pays de l’Union Européenne ont créé un groupe de contact international avec le Venezuela –comprenant dix ou douze membres, pas tous européens- pour travailler la proposition de convoquer de nouvelles élections avec un délai de quatre vingt dix jours pour évaluer les résultats.

Dans ce contexte, Maduro a annoncé lors de la mobilisation de ce même samedi, où le chavisme a réalisé une nouvelle démonstration de force, qu’il lancera une consultation sur la possibilité d’élections législatives anticipées- ça devrait être en 2020- Ce serait une manière de tenter de  désactiver l’assemblée nationale avec tous les risques que cela comporte. Est-il préférable de  la laisser avancer vers une tentative de gouvernement parallèle en dehors de toute loi  avec l’objectif de réussir un coup d’état ?

Il paraît clair, en ce moment, que les E.U. vont avancer et utiliser n’importe quel argument pour renforcer leur discours comme quoi il n’y aura pas de négociation. Une grande partie de leurs messages a pour objectif de casser la volonté de lutte du chavisme et en particulier de la FANB qu’ils ont besoin de faire éclater. C’est pour cela qu’ils ont avancé un éventail de possibilités, depuis la promesse d’amnistie jusqu’aux menaces d’interventions, en passant par les messages comme celui de Yanes, des comptes ouverts sur les réseaux sociaux pour que les soldats n’obéissent pas à leurs généraux et des attaques armées.

Voila comment se termine cette autre semaine au Venezuela. Il n’y aura pas de pause. Les discours des E.U. renvoient à une offensive finale qu’ils sont en train de diriger. Le chavisme se maintient uni, mobilisé, avec une volonté de dialogue et de combat.

Con voluntad de pelea y diálogo

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