Publié par Venezuela infos,

Hein? Les défenseurs de la patrie agroécologique et de la parcelle productive comme style de vie prenant la défense de l’Arc Minier ? Mais ici nous ne sommes pas en train de défendre un style de vie mais le droit d’être informés des raisons pour lesquelles il y a « quelqu’un » là-bas au-dehors et ici même sur notre territoire qui s’obstine à créer la zizanie entre nous. Le thème de l’Arc Minier est un thème extrêmement sensible pour les chavistes ? Profitons-en pour les bombarder d’informations fausses ou dévoyées sur l ‘Arc Minier, et voyons comment ils vont se déchirer entre eux ! Il est aisé de voir comment cette tactique vieille comme le monde fonctionne encore.

L’extraction minière est une activité méprisable, horrible ; c’est peut-être l’activité humaine la plus immonde qu’il ait été donné au capitalisme à son apogée de produire. On rêve d’une autre humanité, dans laquelle le concept de richesse ne signifie ni accumulation, ni exploitation humaine, ni destruction de l’environnement. Mais le fait de rêver ne doit pas nous déconnecter du réel. Nous sommes à un moment de l’histoire où ce qui se meurt doit servir à financer et à lancer ce qui est en train d’émerger. Ça ne paraît pas très éthique, mais l’histoire de l’humanité l’est-elle ? Ainsi cette noble entreprise appelée en son temps « Indépendance » n’a-t-elle pas été financée par le système esclavagiste ? et ensuite par l’essor des bourgeoisies européennes émergentes ? Désolé si vous pensiez que cette glorieuse épopée a été menée par des ouvriers communistes, vraiment désolé !

Les rêves d’une humanité engagée massivement dans la production artisanale et traditionnelle d’aliments, de vêtements, de culture et d’habitat continueront à nous porter mais nous savons au fond que chacun de nous mourra sans le voir réalisé ; après nous d’autres générations viendront pour tenter de l’inscrire dans le réel et cela prendra des siècles. Mais celle qu’on appelle « génération actuelle» dépend et continuera à dépendre de l’extraction minière, que cela nous plaise ou non. Et celui qui souffre de cet état de fait au point de pester contre l’âme vénézuélienne (parce que soyons clair : l’industrie pétrolière est bien une activité minière répugnante) et bien qu’il s’exile vers la patrie idéale, ce Pays Imaginaire socialiste où le combustible fossile, le fer, le ciment et maintenant le coltan, ne sont plus des facteurs déterminants de son développement et de sa civilisation.

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Il est probable que l’un des exercices rhétoriques -disons plutôt exercice d’humilité et de maturité- les plus difficiles à réaliser ces temps-ci est de reconnaître qu’une opinion ou une position défendue ardemment peuvent se révéler erronées. Certaines fois on se trompe par obstination, d’autres fois par désinformation ou manque d’information. Dans ce dernier cas de figure, il est plus aisé de reconnaître publiquement et solennellement : « camarades, je me suis trompé. Je demande pardon ; je vais rectifier, corriger et me forger une nouvelle opinion ». Par contre dans le premier cas, il n’y a pas grand-chose à attendre ; il y a des gens qui ont de la peine, de la rage ou tout simplement peur de dire qu’ils ne savent pas, qu’ils ignorent le sujet ou qu’ils le connaissent de manière imparfaite. C’est le type de personnes capable de se plonger dans des discussions interminables sur des sujets qu’ils ont découverts 5 minutes auparavant dans Wikipedia ; et ils en parlent tels des experts.

Sur le thème de l’Arc Minier nous nous sommes trouvés en présence des 2 types de contumace (au fait, cherchez « contumace » sur le dictionnaire de Google) évoqués plus haut. Des gens qui ont jeté en un tweet incendiaire une malédiction contre l’Arc Minier à peine avaient-ils lu les 3 premiers paragraphes sur ce sujet et qui se sont crus obligés de défendre becs et ongles ces 140 caractères simplement parce qu’ils avaient lu une citation d’Einstein, de Benedetti, ou du Che -à moins que ce ne soit de Bob Marley- qui disait à peu près ceci « Les gens qui valent ce sont ceux qui n’ont qu’une parole et qui s’y tiennent de façon inébranlable. Les autres ne sont que des personnes stupides qui ne méritent pas le titre de révolutionnaires ». Donc nous avons les réseaux sociaux et les conversations de café de commerce saturées de gens qui savent tout sur tout sur l’Arc Minier et qui ont décidé d’être une fois pour toutes pour ou contre. Mais à peine sont-ils interrompus au milieu de la conversation par une question du style « mais l’Arc Minier, c’est quoi ? » qu’ils s’enferrent dans la colère et l’invective, tout simplement parce qu’au fond ils réalisent qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent.

On devait s’attendre logiquement à ce qu’une campagne nationale et internationale de diabolisation du décret de « zone de développement stratégique national » (je parie les cendres de mon père et le cartable de mon fils que 98% des lecteurs viennent juste de réaliser que c’est ainsi que se nomme le fameux décret sur l’Arc Minier) ne se développe ; par cette attaque on cherche ainsi à criminaliser le gouvernement de Nicolas Maduro et à affaiblir les possibilités pour le Venezuela de profiter pleinement de nouvelles ressources financières. Mais ce qui rend ce moment si particulier c’est une des facettes de la campagne en cours, qui cible un secteur du chavisme, très sensible au thème de l’extractivisme et de son impact sur les écosystèmes, les populations indigènes et la souveraineté.

Par exemple, les discours récents de Valentina Quintero (la spécialiste du tourisme télévisé, NdT) et Luisa Ortega Diaz (ex-procureure générale, aujourd’hui en campagne contre la « dictature de Maduro », NdT) à ce propos sont truffés de bêtises, d’imprécisions et de mensonges éhontés ; et tout ce qui est dit par ce genre de porte-paroles du catastrophisme trouvera toujours un écho certain dans un secteur chaviste qui a décidé que l’Arc Minier est un instrument créé pour contribuer à la dégradation des cours d’eau et des populations ; ce sont des gens pourtant authentiquement chavistes et révolutionnaires, et qui pour des raisons liées à l’image de soi ou au «qu’en-dira-t-on » corrigeront difficilement leur erreurs ou n’iront même pas vérifier la véracité de l’information. L’Arc Minier de l’Orénoque est devenu le maillon faible d’une chaîne (notre nécessaire, mais si malmenée, unité) que les mafias hégémoniques ont décidé de faire céder, aidées en cela par hypersensibilité des uns, les mauvaises intentions des autres et l’ignorance de la majorité.

Ainsi la vision que les gens (de notre bord et de l’autre) ont de l’Arc Minier de l’Orénoque est à peu près la suivante (accrochez-vous bien!) :

L’Arc Minier est un territoire couvert de forêts vierges et peuplé d’indigènes qui vivent en harmonie avec la Terre-mère. Le gouvernement a vendu ce territoire à des entreprises transnationales chargées d’en extraire et d’en exporter toutes les richesses du sous-sol (or, diamants, coltan, etc…). L’extraction va impliquer la déforestation de 111 800km2 de terres, la mort des cours d’eau à coup de flots de mercure (l’Orénoque disparaîtra et laissera place à une immense flaque rouge ; précisons que le mercure est rouge comme le mercurochrome), la mise en esclavage, l’assassinat ou la mise à l’écart de plusieurs populations indigènes. Là où il y avait la paix, un vivre-ensemble harmonieux, à cause de l’Arc Minier il y aura des bandes et des mafias, de la drogue et de la prostitution, de le contamination au mercure, de la délinquance, de la drogue, la dévastation de zones naturelles, encore de la prostitution, des transnationales assassines et de la corruption. Et encore plus de prostitution et de drogue.

En résumé la propagande attribue à l’Arc Minier tous les travers que l’Arc Minier a précisément pour objectif d’éradiquer. Je peux grâce à un simple article (et je le démontre dans le paragraphe suivant) démentir tout ça et partager une vérité qu’on a voulu nous cacher ou déformer:

Il existe au nord de l’état Bolivar des territoires où ont sévi des bandes, des mafias, de la drogue et de la prostitution, de la contamination au mercure, de la délinquance, des drogues, la destruction de zones naturelles, encore de la prostitution, des transnationales criminelles et de la corruption. Et encore plus de prostitution, de drogue et de contamination par le mercure. C’est pourquoi l’État a conçu et décrété un plan, applicable à cette zone du pays appelée Zone de développement stratégique national Arc Minier de l’Orénoque. Les raisons de ce plan ? L’État vénézuélien a une dette envers la population de cette région et celle de tout le pays, qui consiste à asseoir sa souveraineté sur ce territoire et toutes ses ressources ; cela ne peut être fait de façon isolée par le gouvernorat de l’état Bolivar,  ni par l’armée, ni par l’initiative privée, ni par un ministère. L’Arc Minier est sous-tendu par la volonté ferme et déterminée de respecter les populations indigènes, de protéger les zones où il n’est pas nécessaire ni justifié de développer l’extraction minière, de développer des techniques et de méthodes moins toxiques et destructrices que l’usage traditionnel du mercure (qui au passage n’est pas rouge mais argenté), et de rendre sa dignité et son essor à l’extraction minière de petite envergure, autrement moins nocive que l’extraction minière industrielle à grande échelle. C’est un mensonge éhonté que de dire que 111 800 km2 de forêts vont être dévastés: c’est à peine 1,5% de ce territoire qui sera impacté directement, ce qui est amplement suffisant pour extraire les minerais du sous-sol. L’Arc Minier a été décrété il y a 8 mois (le 24 février précisément) ; et on voudrait qu’en à peine 8 mois on efface les désastres résultant de 200 ans d’irresponsabilité !

Mais ce simple paragraphe ne suffira pas à convaincre certaines personnes de cesser de croire ou de répéter ce que la propagande de guerre assène. Vous pouvez dire toutes les vérités que vous voulez et sur tous les tons, si votre interlocuteur répond systématiquement « ce n’est pas vrai », et vous en ressentirez de la frustration; vous avez gaspillé votre temps, votre salive et votre énergie ; et probablement perdu l’amitié de votre interlocuteur. La machiavélique propagande fasciste a concentré tous ses efforts pour convaincre les gens désinformés, sous-informés ou très sensibles, que Nicolas Maduro a décidé d’étendre l’exploitation minière dans des recoins où personne n’avait encore usé de pelle ou de pioche.

Le territoire concerné par le plan appelé Arc Minier (notez bien : l’Arc Minier n’est pas un territoire mais un plan!) est une zone dévastée, surexploitée par plusieurs transnationales qui ont détruit des milliers d’hectares de forêts, des milliers de vies humaines et de cultures, via des procédés et des techniques criminels ; la mission de l’Arc Minier est d’en finir avec tout cela ! Bien sûr qu’il y a de la criminalité dans les zones minières, de la drogue et de la prostitution aussi. Tout autant que dans certaines zones de Caracas, de Valence ou de Mérida, villes depuis lesquelles on attaque avec le plus de virulence qu’ailleurs l’Arc Minier (en ignorant dans la majorité des cas ce qu’est l’Arc Minier). Si quelqu’un à Valence s’indigne de la destruction de la nature, de la prolifération de la drogue et de la prostitution dans l’état Bolivar, qu’il s’interroge si la fondation de Valence n’est pas passée par des phases d’extermination de populations et d’espèces naturelles et s’il n’y a aucune prostituée ni aucun drogué dans ses rues…

Le plus grand allié de l’État dans la tâche de développer un extractivisme respectueux de l’environnement et soucieux de l’appropriation souveraine des ressources est bien le petit mineur artisanal ; soit dit en passant c’est grâce à lui que l’État a pu récupérer plus de 5 tonnes d’or en 6 mois ! 5 tonnes qui, s’il n’y avait pas eu l’Arc Minier, seraient parties en Colombie, au Brésil, au Guyana, dans une île des Caraïbes, aux États-Unis ou dans un quelconque pays européen. Les petits mineurs artisanaux ont été à la pointe de mouvements de rébellion qui ont permis d’enlever des mines des griffes de grandes entreprises transnationales ou de mafias  que les autorités vénézuéliennes envisagent maintenant d’expulser. A souligner le cas particulier d’une de ces émeutes (la rébellion, ou la prise de Nuevo Callao) qui a vu un groupe de mineurs, en colère suite à l’assassinat d’un des leurs, prendre possession d’une mine gérée par la Greenwich Resources, retenir en otage ses dirigeants, les obliger à signer sur un bout de papier la cession totale de l’entreprise et en assurer un total contrôle ouvrier. C’était en 1995 avant que Chavez ne mette à l’ordre du jour de la Révolution bolivarienne la notion d’expropriation; c’est dire si ces ouvriers-là de l’état Bolivar n’ont aucune leçon à recevoir de qui que ce soit quant au contrôle social des moyens de production.

Le travail à mener par l’État et les travailleurs dans le domaine de l’Arc Minier est titanesque. J’ai rappelé plus haut combien les tares plus ou moins importantes qui caractérisent l’activité minière ont pu macérer ou s’enkyster au cours de ces 200 dernières années. Au fil des générations, l’extractivisme a pu modeler une mentalité et une personnalité spécifiques pour des populations et des communautés entières, dont des communautés indigènes. Si l’on veut démonter de telles structures mentales à la hussarde et en quelques mois, un seul moyen : le génocide ! Hélas il y a toujours ceux qui croient encore que tout se résout à marche forcée, y compris l’édification du socialisme ou l’implantation obligatoire de la permaculture ! Il y a encore des gens qui pensent ainsi : « Il y a un million de personnes vivant directement ou indirectement de l’extractivisme ? Pas de problème : il suffit d’interdire l’extraction minière, d’emprisonner ou de tuer ceux qui persistent à pratiquer cette activité, de déplacer de force les milliers de gens qui en vivent, ou de les convertir en artisans, agriculteurs, journalistes, danseurs, coiffeurs , avocats ou ouvriers textiles ! Ainsi l’extractivisme se meurt, vive le socialisme ! » L’irresponsabilité a souvent des audaces que même l’ignorance n’a pas !

Nous serons encore présents et pour un bon moment, dans des zones minières de l’état Bolivar. Nous venons d’amorcer un premier parcours exploratoire ; vient maintenant le temps de l’approfondissement de ces explorations et des perspectives dévoilées. L’engagement éthique nous oblige à enquêter sur ce qui est digne d’être recherché afin d’ informer le reste du pays au plus près de la vérité, ou à tout le moins cette partie du pays qui accepte d’être informée en dépit de ses préjugés, sur la façon de vivre de ces gens dans ces zones-là, sur leurs luttes et leurs rêves…

Il y a une limite au droit d’informer et de s’informer: la préservation de la vie humaine. Comme vieux routard du journalisme que je suis, je n’ai désormais que faire des prime-times ou des coups d’éclat journalistiques et je serai d’une attention intransigeante sur toutes ces informations ou rumeurs qui pourraient léser la vie ou la réputation de gens qui ne le méritent pas. Je vois une autre limite, qui a trait à la sûreté de l’État, celle-là : si vous apprenez quelque chose et vous le révélez avant que cela ne se concrétise, vous tuez l’information dans l’œuf. Très prosaïquement cela signifie que je ne publierai pas tout ce que je sais, je ne me précipiterai pas pour le dire avant tout le monde, mais je dirai toute la vérité et rien que la vérité. Méditez tout cela et donnez-en l’interprétation que vous voulez, mais je ne serai jamais la cause du malheur de quelqu’un par l’usage d’artifices communicationnels ou par l’ambition de gagner des points d’audience avec la souffrance et les tragédies vécues par d’autres.

José Roberto Duque

Source : https://arconoticias-info.blogspot.com/2017/11/tras-la-noticia-y-tras-la-historia-en.html

Traduction: Jean-Claude Soubiès

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